Hier soir, nous avons concédé le nul à domicile face à un adversaire nettement plus lucide et plus concentré. Nous n’avons pas pu remporter le titre africain suprême par un concours de circonstances incroyable et des choix discutables, certes. Soit ! Maintenant, la question à poser est : faut-il tout reconstruire, faut-il tout remettre en question?
A chaud, on aurait eu tendance à dire oui, oui et oui. Mais avec un peu de recul, on dirait non, non et non. On n’était pas les meilleurs et c’est une vérité éclatante. Mais on n’était pas les plus mauvais non plus. Être en finale ne peut être que l’apanage des meilleurs. Et nous y sommes parvenus avec mérite et brio. Maintenant, une étude bien ficelée s’impose pour tirer les leçons de cette campagne continentale et prendre les mesures nécessaires pour progresser. Car le cœur même de la philosophie Sang et Or repose sur ça.
Quelles leçons à tirer?
Durant le dernier parcours en Orange CAF Champions League, l’Espérance a montré beaucoup de courage et une solidarité exemplaire. La cohésion fut totale. Et même aux moments les plus sombres de ce parcours, toute la famille a démontré une foi indéfectible dans ses prérogatives. Et c’est en soi même un acquis de taille. C’est la première pierre de l’édifice. Par contre, ce qui a manqué est un ensemble de détails importants et accessibles à la fois. Tout ce qu’il faut pour les acquérir est du temps et du travail, beaucoup de travail.
1- Le caractère :
L’équipe a démontré durant ce parcours une fragilité mentale due essentiellement à la jeunesse de la plupart de l’effectif. Mais aussi, l’encadrement technique a été défaillant dans sa gestion de la pression. Nous avons vu le groupe se désintégrer à la première occasion où la pression est devenue grande. Souvenez-vous du match aller des demi-finales au Caire après le premier but Ahlaoui, c’était le désert pour nous. Tout le groupe errait sur le terrain, frôlant même la correction, si les Égyptiens s’étaient montrés plus adroits devant les buts. Le même scénario s’est reproduit à Lubumbashi avec le premier but encaissé, aussi litigieux que celui des Cairotes. Et là, force est de constater le manque de sérénité du groupe. À notre avis, l’Espérance manque d’un leader charismatique sur le rectangle vert, un type de la carrure de Tarek Dhiab ou Chokri El Ouaer. Certes, les grandes gueules ne manquent pas, mais aucune d’elles ne s’est attelée à la besogne pour faire reprendre au groupe sa sérénité, voire ses idées, tellement les joueurs sont tous aussi fragiles mentalement les uns que les autres.
2- La maîtrise technique :
Trop de passes ratées, trop d’occasions ratées, trop de contrôles ratés, tels étaient les premiers constats après le match d’hier. Pourtant, le groupe est techniquement bien loti. Cela est dû à plusieurs facteurs. Le circonstanciel, soit l’énorme pression ressentie, a provoqué beaucoup de précipitation. Mais ce sont les facteurs propres au groupe qui inquiètent. Il y a lieu de noter cette insistance à choisir les gestes les plus compliqués. Souvent durant un match, l’équipe oublie que le football est plus efficace, voire même plus châtoyant, en étant plus simple. Au point de douter de la faculté de certains joueurs à jouer juste, dirions-nous, n’est ce pas les Msakni, Korbi et Ayari ? Bouazzi, le grand absent de cette deuxième phase de l’aventure africaine, en connaît quelque chose, lui qui a vu son jeu monter d’un voire de deux crans depuis qu’il a commencé à jouer de manière plus efficace. Il nous paraît évident que ce volet de maitrise technique n’était pas parmi les priorités de la préparation du groupe.
3- Un effectif sans doublures :
Pourtant ce ne sont pas les « noms » qui manquent. Des garçons comme Toindouba, Boughanmi, Souissi (l’oublié), Ayari, Banana, Otoo et Ghannem pouvaient servir d’alternatives valables, s’ils avaient eu l’opportunité d’être plus compétitifs. Mais l’entêtement du staff technique à aligner, à chaque fois, le même onze de départ, sans jamais se soucier de donner du rythme aux doublures, a privé l’équipe d’autres solutions qui pouvaient s’avérer utiles. À titre d’exemple, la sanction infligée à Toindouba à la veille de la manche retour le privant de compétition contre le Stade Tunisien était-elle arrivée au moment opportun ? C’est un point important à revoir en fond.
Mais cela ne représente pas l’unique souci côté effectif. L’équipe manque de doublures sur des postes clefs, tels que les joueurs de couloir où c’est le désert total à droite comme à gauche, avec des joueurs comme Chammam, Afful et Bouazzi qui n’ont presque pas le droit de se blesser, de se faire suspendre ou de baisser de régime, au risque de pénaliser irréparablement le reste du groupe. Et là, un remède immédiat s’impose, à notre avis.
4- Stratégie de jeu à revoir :
Avoir son propre style de jeu à imposer aux adversaires est une démarche fort louable, voire même souhaitée, encore faut-il qu’elle soit adaptée aux forces en présence. Si en compétition locale, aujourd’hui, l’Espérance peut se permettre un tel choix, il nous semble évident qu’au niveau continental une approche plus humble, tenant compte de certains adversaires et de certaines circonstances, est bien plus appropriée. Il faudrait revoir le module tactique adopté par le staff technique et développer d’autres solutions conformément aux profils variés et différents des joueurs, sans oublier les qualités et faiblesses des adversaires. Car l’’incapacité de l’Espérance à s’adapter tactiquement aux circonstances d’un match dénote de la pauvreté tactique criarde d’un groupe aux registres techniques aussi variés. Tout un débat que nous disséquerons plus tard.
5- L’énigme Otoo :
De l’histoire de notre club, on n’a jamais vu une fédération intervenir aussi énergiquement pour protéger un de ses jeunes joueurs. Mahatma Otoo devait être recruté définitivement pour 3 ans, mais la fédération ghanéenne, soucieuse d’assurer la compétitivité permanente de son prodige international, a exigé la modification de son transfert à un prêt avec option d’achat. Un tel joueur qui jouit d’autant d’intérêt dans un pays qui compte plus de footballeurs doués que de grains de sable ne peut être que révélateur du talent du garçon. Alors, pourquoi n’a-t-il jamais été utilisé pendant que le bureau directeur avait fait un forcing fou pour l’inscrire sur la liste africaine ? Son cas est peut-être un des symptômes de l’utilisation défaillante de l’effectif, voire de choix de stratégie de jeu questionnable.
Des satisfactions quand même
L’expérience africaine des Sang et Or a laissé des satisfactions quand même. La découverte de Hicheri, la redécouverte d’Afful, la confirmation de Traoui et la moyenne d’âge assez jeune sont tous des motifs de satisfaction qui nous permettent de présager un avenir radieux pour ce groupe, une fois conservé et renforcé. L’expérience emmagasinée par ces jeunots se révèlera très significative dans le futur proche. Aussi, l’entourage Sang et Or nous a habitués à une réaction réfléchie et rapide en même temps. Parce que l’équipe n’a pas le temps, puisqu’elle replonge bientôt dans la joute africaine pour une nouvelle aventure. Une aventure qui se doit d’être appréhendée autrement. Cette fois, nous ne serons plus des outsiders, mais de vrais candidats à la consécration suprême. Alors, au travail messieurs et demain est un autre jour.
Iheb Ben Salem