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Leçons à tirer d’une élimination prématurée

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L’Espérance Sportive de Tunis (EST) vient de sortir sur la pointe des pieds de l’Arab Club Championship (ACC) 2019, en se faisant montrer la porte par l’Olympic Club de Safi (OCS) au stade de Rades même. En effet, les Marocains, peu impressionnés par l’enjeu et le standing de leur adversaire, ont eu méritoirement le dessus sur des Sang et Or, certes malchanceux, non seulement lors de la séance des tirs au but (2-4), mais aussi au vu des deux oppositions aller-retour soldées sur un score de parité positive (1-1). Une issue qu’on voit souvent en football, limite qui lui en donne même ses lettres de noblesse, rappelant du reste qu’un match, qu’une opposition sur deux manches, ça se joue sur le terrain et pas sur papier, au grand dam des fans espérantistes cette fois-ci.

Le club Rouge et Bleu bientôt centenaire et dont l’apogée était d’atteindre la finale de la coupe du Roi en 2016, n’a pourtant cessé de récolter que des matchs nuls dans la Botola Pro locale (5 en 6 matchs joués) depuis le début de cette saison, ne concédant ou ne réussissant à inscrire pas plus d’un but par match. Et pourtant, cette qualification contre le champion arabe d’il y a deux ans, le détenteur du record en la matière, va sûrement rentrer dans l’histoire de l’OCS. Malchance disions-nous, d’un point de vue espérantiste, mais pas que cela! Les dieux du stade en ont-ils voulu autrement que les desiderata de la famille Sang et Or? Fort possible.

L’arbitrage grotesque du match aller avait-il pesé dans cette déroute ? Absolument ! Par contre, si on n’essaie pas de tirer les leçons qui s’imposent, maintenant, il y a lieu de continuer à avoir peur pour l’avenir proche et même lointain du club, vu les ambitions légitimes qui animent toutes ses composantes afin de gagner sur tous les fronts, tout en assurant une certaine évolution sportive et financière à même de creuser l’écart avec les concurrents directs, aussi bien sur le plan africain qu’arabe. Personne dans le giron de la Mkachkha, personne, ne voudrait voir le club s’arrêter en si bon chemin. Double vainqueur de la Ligue des Champions de la CAF en moins de six mois, champion arabe il y a à peine 2 ans, l’appétit vient en mangeant dit-on. Et pourtant !

UNE ÉQUIPE RENOUVELÉE
L’équipe fanion a été certes « complètement » renouvelée ou presque cet été. Aux départs de l’Algérien Belaïli et du Camerounais Kom (tous les 2 nominés parmi le gratin des joueurs du continent en 2019), mais aussi des Ben Mohamed, Chaalali et Bguir (internationaux tunisiens A), tous des titulaires à part entière, les arrivées et l’acclimatation rapide des Benguith, Bonsu, Bedrane et Chetti, notamment, ont été instrumentales pour que le groupe garde, voire gagne même en solidité.

Chaabani et son staff technique sont à saluer pour avoir en si peu de temps su donner un sens footballistique à cette nouvelle armada en place, grâce à un mercato exceptionnellement réussi. Malheureusement, ce ne fut pas suffisant … à temps, du moins pour passer le cap club de Safi, et les raisons sont bien ailleurs.

UNE QUESTION DE CULTURE
Cela fait une éternité, des dizaines d’années même comme certains férus Sang et Or doivent le savoir, que l’équipe pèche par un manque flagrant d’attitude guerrière, du moins sur le plan perceptuel. Ironique pour un club qui gagne si souvent? Tout à fait, car l’Espérance a, malheureusement dirions-nous, appris au fil des décennies à gagner dans la peau du favori qu’elle a souvent été, en étant sûre de ses moyens technico-tactiques malgré l’adversité.

Mais malgré une force assumée, disposant des meilleurs joueurs voire du meilleur groupe, lorsque l’équipe est acculée à puiser dans des paramètres qui dépassent les aspects technico-tactiques, à savoir livrer une bataille physique, voire un affrontement psychologique où agressivité, hargne, grinta deviennent les maîtres-mots, les Sang et Or se résignent plus souvent qu’autrement.

En un mot, les Sang et Or se font facilement marcher sur les pieds et rares sont les fois où l’équipe est sortie indemne d’une telle tournure. Pour ne pas parler particulièrement de compétitions ou oppositions locales aussi bien au derby contre le Club Africain (CA) – épopée de Attouga, passage de Ben Chikha, l’arbitre Harrouch et ses acolytes, etc. – que contre l’Étoile Sportive du Sahel (ESS) notamment – l’école Garna, S. Jaziri, Boukadida, Chebbi, et cie, certains matchs référence comme ceux où le gardien Zouabi a perdu le nord à Sousse ou celui de « mawaziin al qouwa » à Rades, etc. – voire même contre l’Union Sportive de Ben Guerdane (USBG) en demi-finale de la Coupe de Tunisie 2018, les déboires Sang et Or sont multiples dans les compétitions internationales, lorsque l’équipe fait face à des situations invraisemblables où le foot épuré passe au second plan.

Les défaites en finale de la Coupe Arabe en 1986 contre Al-Rasheed SC (Irak), en Coupe d’Afrique des clubs vainqueurs de Coupe 1987 contre Gore Mahia FC (Kenya), en Ligue des Champions de la Confédération africaine de Football (CAF CL) contre le Raja CA (Maroc) en 1999, le Hearts of Oak SC (Ghana) en 2000, Zamalek SC (Égypte) en 2002 (phase des groupes), Enyimba SC (Nigéria) en 2004, le TP Mazembe (RD Congo) en 2010, etc., sont des illustrations parfaites de cette culture de résilience, sans parler d’autres défaites et éliminations aussi amères les unes que les autres, la dernière en date contre le Raja en Super Coup d’Afrique, alors que l’Espérance était archi-favorite comme contre l’ASEC Abidjan (Côte d’ivoire) en 1999, MAS de Fès (Maroc) en 2011, etc.

Contre l’Olympic de Safi, l’Espérance est retombée dans les mêmes travers. Une équipe où un des siens se fait mettre KO par un adversaire (El Houni au Maroc) pendant qu’aucun de ses coéquipiers ne réagisse, pis même, Derbali, qui prend l’agresseur en accolades, n’est pas dignes d’aller loin dans aucune compétition.

Imaginez un instant la réaction des Bianconeri si CR7 était taclé sans ballon par derrière, des Blancos si Benzema était assommé par un coup de coude gratuit ou des Blaugrana si Messi était envoyé aux vestiaires pour une agression caractérisée? Pour moins que cela, les parties s’arrêtent et l’arbitre est envahi par les meilleurs au monde défendre leur coéquipier ou réclamer un carton ou un penalty. Cela a été même valable dans un cas où une star agresse un adversaire, comme Mbappé la saison dernière avec le Paris Saint-Germain (PSG), où les joueurs du Stade Rennais FC n’ont pas hésité à rouspéter et contre le joueur et contre l’arbitre qui n’avait pas le choix que de sortir le champion du monde

Hormis le fait de ne pas se laisser piétiner par l’adversaire, l’attitude guerrière ou rage de vaincre se mesure également par cette volonté d’être le premier sur le ballon, de ne rien lâcher à l’opposition, d’aller au charbon quand il le faut. Tactiquement cela se manifeste par un dépassement de fonction, une plus grande présence dans la surface adverse, un appel ou une course pour ouvrir des brèches, un tir de loin par surprise pour désarçonner l’adversaire et le faire sortir de son «bus» afin de forcer la décision, créer le surnombre, marquer. Contre l’OCS, et pas que, l’Espérance a de nouveau manqué de panache, elle a déçu en ce sens.

DES CHOIX QUESTIONNABLES

Sur le plan technico-tactique, il y a lieu de noter en défense le choix de faire évoluer Mbarki à gauche de l’axe central de la défense et Bedrane à droite. Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que cette option a été à l’origine du but adverse, mais force est de constater que cela crée de la confusion, sinon de l’inconfort et ce, même en phase de possession. D’autant plus que dans la hiérarchie des axiaux, Bedrane est le plus indiqué pour suppléer Chammam à gauche, avec Yaacoubi pour évoluer à droite, voire Dhaouadi.

La satisfaction est par contre venue du fait qu’ils n’ont pas lésiné à se poster à 40m des buts adverses pour chercher des deuxièmes balles très précieuses. D’un autre côté et pour un retour à la compétition après une longue période loin des terrains, Chetti a pu sortir son épingle du jeu, mais c’est encore Derbali qui a déçu, jouant à l’économie depuis quelque temps, avec un apport offensif autant approximatif qu’en-deçà des attentes.

Au milieu, rien à dire sur le trio proposé où il y a une amélioration notable dans le rapprochement des lignes cette saison, grâce à l’apport fondamental et intrinsèque des Benguit et Bonsu, voire à un degré moindre Ben Romdhane, qui ne reste pas spectateur à l’image de Coulibaly. Les « 3B » ont encore beaucoup de marge de progression pour gagner en assurance et en complémentarité, mais surtout en efficacité devant les buts et dans la variation du jeu et du rythme, entre échanges courts et longues transversales. Contre l’OCS, Bonsu et Ben Romdhane pouvaient mieux faire, le premier en allant plus dans la surface et le deuxième en tentant plus d’incursions voire des frappes de loin qui auraient pu désorienter un peu plus l’adversaire.

Quant à la ligne d’attaque, le trio formé de Badri, El Houni et Khenissi est complètement passé à côté du match, quand bien même les changements n’ont pas su apporter l’inspiration recherchée, à tel point que le duo Ben Choug et Jouini, lancé dans le bain en seconde mi-temps, a raté ses tirs au but. Les joueurs doivent faire preuve de plus de concentration aussi bien dans le dernier geste que dans la capacité de resserrer les lignes et de jouer plus en mouvement, avec des permutations plus dictées par le sens du jeu.

UN EFFECTIF PERFECTIBLE
L’effectif mis à la disposition du staff technique est certes de qualité, mais manque de profondeur et reste perfectible pour gagner en solidité et affronter les différentes compétitions avec l’assurance requise … au-delà du changement de culture requis discuté plus haut.

Tout d’abord, il y a lieu de remarquer le manque de profondeur sur les deux côtés de la défense, où Derbali est « titularissime » (SIC!) et où Mbarki semble perdre de sa verve pour voir un attaquant, un autre, Fedaa, y faire des apparitions. À gauche, si Chammam ne peut plus assurer quelques matchs à la place de Chetti, pour jouer dans l’axe où il excelle du reste, il y a lieu de se poser des questions sur la qualité des remplaçants … sans devoir gêner personne.

Au milieu, c’est bien pire! Les Bonsu et Benguit n’ont aucun joueur qui peut les substituer avec le même bonheur. Ben Romdhane s’avérant bien plus percutant devant la défense, bien meilleur que ceux qui l’attendent au tournant (suivez mon regard!), la seule solution perceptible pourrait venir de la reconversion de Ben Choug … lequel a du mal à trouver de la place dans le 433 qui va à merveille avec le groupe actuel, n’étant ni ailier de métier ni attaquant. Mais est-ce assez ?

Enfin en attaque, si Badri, El Houni et Fedaa se relaient assez bien sur les ailes, ni Ouattara -ni encore moins Khenissi- n’est un « tueur » de surface. Les deux peuvent d’ailleurs jouer ensemble vu leur profil différent, voire complémentaire, le premier excellant dans le jeu dos au but et le deuxième assez bon pour faire des appels dans le dos de la défense notamment, mais manquant terriblement de sens footballistique, puisqu’il n’a pas évolué d’un iota depuis son retour à l’Espérance.

Bref, il est temps de penser à un joueur capable de faire le boulot devant pour planter 20 buts minimum par saison, bien que cela soit l’apanage de toute l’équipe au même titre que la récupération et le repositionnement défensif.

K. BAMRI

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