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La contestation de Chaâbani, entre mythe et réalité

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L’entraîneur de l’Espérance Sportive de Tunis (EST) Moïne Chaâbani, dont l’équipe vient de finir championne de la phase aller, avec encore un match à jouer pour consolider sa position, est sur la sellette depuis quelques mois déjà, suite à une saison 2019-2020 en deçà des attentes.

Il n’est pas le seul coach qui se trouve dans une telle situation diront certains, encore moins en Tunisie où le changement d’entraineur est plus fréquent que celui des chemises.

À l’Espérance, quand bien même le club vit une relative stabilité sur le plan technique, les Zouaoui, Benzarti, Maâloul, Ben Yahia ou même Decastel, avec son record de victoires consécutives en Ligue 1, treize en l’occurrence, et bien d’autres ont également vécu le désamour des supporters, voire le limogeage, et ce, malgré les titres nationaux et même continentaux rapportés au club … alors pourquoi pas Moine?

Des attentes irréalistes à celles légitimes. Gagner à l’Espérance n’est pas une option, mais une obligation inscrite dans l’ADN du club. Soit!

Dirigeants et supporters le savent bien et le transmettent inéluctablement aux staff technique et joueurs, pour lesquels tout est mis à disposition pour réussir.

Même les supporters participent aux victoires des leurs, grâce au support inconditionnel pendant les matchs, lesquels, certes, se déroulent à huis-clos depuis presqu’un an, suite au phénomène et à la gestion sanitaire de la COVID19.

Un élément que les supporters Sang et Or semblent oublier, car lorsque la machine Sang et Or grince sur le terrain à l’occasion, c’est aussi grâce aux cris et aux appels des tifosis pour se surpasser que les joueurs arrivent des fois à puiser dans leurs réserves pour reprendre du poil de la bête, voire que certains adversaires manquent de lucidité.

Le football aujourd’hui, comme la vie par ailleurs, a changé aussi et notre approche critique se le doit tout autant face à cette nouvelle réalité. Cette saison, les protégés de Chaâbani gagnent, des fois pas, rarement même (un bilan de 10 victoires, 1 nul et 1 défaite en championnat), mais les supporters Sang et Or cherchent aussi des éléments dans le jeu et la progression de l’équipe pour les faire rêver du sacre ultime, à savoir la Ligue des Champions africaine (CAF CL). Légitime? Absolument!

En Ligue 1 et sur dix (10) victoires acquises, sept (7) se sont soldées par un score étriqué (un but de différence), le dernier en date contre l’Étoile Sportive de Metlaoui (ESM), certes à l’extérieur (1-2). C’est dire que ce n’était pas si « simple ». D’ailleurs, les protégés de Chaâbani ont frôlé la catastrophe lors de l’opposition qualificative à la phase des groupes de la CAF CL contre Al-Ahly SCSC de Benghazi (Libye), avec un passage au forceps dans les toutes dernières minutes du match retour (86’) au stade de Radès (0-0 [E] et 3-2 [D]).

L’équipe aussi bien individuellement que collectivement ne transpire donc pas l’assurance recherchée, laquelle, faut-il le rappeler, n’est point garante du résultat escompté … non plus, comme l’attestent certaines demi-finales et finales continentales perdues, alors que les Sang et Or étaient partis largement favoris.

Sur un match ou une confrontation, tout peut arriver, dit-on. Les choix de Chaâbani, entre contraintes et limites Il n’en demeure pas moins que le football continue à se plier devant la logique des forces le jour J. La supériorité technique présumée peut facilement être surmontée, au risque de l’oublier, par une meilleure application tactique, une meilleure gestion physique et surtout, surtout, un meilleur état d’esprit. Et c’est bien ce dernier volet qui a toujours dérangé à l’Espérance, bien avant Chaâbani, à tel point que c’est devenu une culture, aussi bien chez les supporters que chez les dirigeants … et le résultat se ressent inéluctablement sur le terrain.

L’Espérance et ses supporters ne savent pas souffrir, habitués qu’ils sont par la supériorité de leurs moyens, techniques notamment, sur papier, face à leurs adversaires, à quelques exceptions près.

Ainsi, lorsqu’il s’agit de faire appel à l’esprit de la bataille, de la hargne, de la grinta et de la roublardise, l’équipe perd ses repères, non seulement en outsider, mais encore pis, face à un adversaire moins doté sur le plan technicotactique et qui n’hésite pas à bousculer les Sang et Or tactiquement, physiquement et mentalement.

La dernière preuve en date, le dernier derby gagné difficilement (1-0) contre le Club Africain (CA), malgré une domination totale des débats, attendue du reste face à l’avant-dernier du classement, aidée de surcroît par une supériorité numérique tôt dans le match (8’).

Et pourtant! L’entraîneur de l’Espérance est également critiqué pour ses choix, aussi bien dans sa gestion individuelle que collective, dans la mesure où il y a une conviction chez beaucoup de supporters Sang et Or, de plus en plus bruyants, que le groupe performe en deçà des attentes.

Entre des joueurs qui n’ont pas évolué d’un iota et une équipe qui présente plus souvent qu’autrement un football mécanique, prévisible, voire même décousu et peu inspiré, ce ne sont pas les faits qui les contredisent. À qui la faute? Certainement pas à Chaâbani … uniquement et nous développerons dans ce qui suit les deux revers de la médaille, aussi bien en matière d’indisponibilité de joueurs de valeur, au rendement stable, qu’en matière de choix technicotactiques qui nous paraissent pénalisants.

L’effectif

Comme discuté en long et en large lors du bilan de la saison dernière, l’effectif mis à la disposition de Chaâbani présentait clairement des défaillances, pas toutes remédiées même au terme du mercato hivernal.

Il va sans dire que l’équipe a évolué avec une attaque peu performante et efficace, où le seul Elhouni, et encore, pouvait tirer son épingle du jeu, tout en manquant d’impact de manière stable. Tous les autres joueurs du compartiment offensif ont été défaillants aussi bien pour une valeur intrinsèque qui n’est pas à la hauteur de l’Espérance que pour une utilisation inadéquate du coach Sang et Or, à l’instar d’un Marzouki très valable et volontaire, trimballé d’un match à un autre d’une position voire d’un rôle à un autre, s’il ne se retrouve pas remplaçant.

Avec le retour de Badri et l’arrivée deux attaquants de pointe, l’Ivoirien Togui et le Ghanéen Abdul Khalid, le secteur offensif de l’Espérance prend définitivement une autre dimension et Chaâbani n’aura plus le choix que de faire évoluer les joueurs selon leur profil, en les restreignant à un maximum d’un ou deux rôles … quand c’est nécessaire.

Au milieu, les retours de Chaâlali et de Ben Romdhane au début de cette saison ont apporté de la qualité qui a trop manqué à Moïne la saison passée. Toutefois, le choix de les faire évoluer avec un Coulibaly, inefficace sur le double plan offensif et défensif (avec insistance sur le dernier point, un élément trop peu relevé par les techniciens), en se privant de surcroît de l’apport inéluctable de Benguit, n’a certainement pas aidé la cause des Sang et Or.

Le problème du secteur médian demeure toutefois entier côté profondeur, notamment dans sa capacité d’animation, alimentation et insertion dans la zone de vérité. Si devant la défense, Ben Romdhane voire Gbo et Chaâlali peuvent assurer un bon rideau, aussi bien en repli qu’en couverture, Chaâbani a certainement des soucis pour trouver des remplaçants à Benguit et à un degré moindre Ben Romdhane, Ben Choug, comme mentionné par le passé, ne pouvant pas assurer le rôle de relayeur ou de box-to-box. À ce propos et en l’absence de renforts, le prêt de Mosrati, qui, du reste, n’a point été utilisé cette saison, nous laisse dubitatifs.

Enfin pour la défense, si l’arrivée de Ben Mustafa dans les bois est à saluer pour créer de l’émulation avec Ben Chérifia, qui n’a point démérité et ce, après le départ de Jeridi, le coach Sang et Or est loin d’être à envier concernant son arrière-garde, où la qualité intrinsèque et le manque de profondeur sur les deux côtés, voire même dans l’axe, où Tougaï a mis du temps à se révéler, est à notre sens criard.

Le mercato hivernal n’a pu y remédier pour le moment et c’est un casse-tête pour toute équipe qui veut aller loin dans toutes les compétitions où elle est engagée.

En conclusion, l’effectif a certes évolué avec les deux derniers mercati, au milieu en été et en attaque en hiver, mais il demeure bien perfectible. Les joueurs de leur côté doivent travailler plus à améliorer leur rendement sans chercher des excuses.

Des statistiques avec un centre sur cinq réussi, deux coups francs tirés sur le mur sur trois, zéro tir au but, zéro appel dans le dos de la défense, un duel aérien ou défensif gagné sur quatre, ce n’est pas le problème d’un entraineur en premier lieu, lequel doit certes orienter ses poulains sur les éléments de jeu recherchés et à rectifier. Nous osons croire que Moïne le fait déjà et c’est aux joueurs de prendre leurs responsabilités en main avec du travail spécifique.

Choix tactiques

Chaâbani va pouvoir aligner son 4-3-3 habituel (4-1-4-1 pour certains) avec un onze titulaire présentant une qualité léthale bien supérieure à celle vue jusqu’ici cette saison.

Avec Badri et Togui associés normalement à Elhouni ou accessoirement Meziane à gauche, l’Espérance va avoir du poids devant.

Le trio médian normalement composé par Ben Romdhane, Chaâlali et Benguit, disposé comme en seconde mi-temps du derby, va aussi pouvoir allier rigueur, abattage et efficacité devant.

En défense, si le ballottage entre les gardiens doit demeurer, le quaturor devant n’est point difficile à deviner, avec Naguez et Chetti sur les côtés, ainsi que Bedrane et Yaâkoubi (inégalable sur les contres) dans l’axe, avec un Tougaï qui peut bien assurer derrière.

Outre le manque de profondeur qualitatif discuté plus haut, Chaâbani devrait travailler à améliorer sa gestion du turnover où il lui est reproché des changements et fréquents et abusifs en nombre, d’un match à un autre, avec de surcroît des joueurs voire des compartiments qui évoluent pour « la première fois » ensemble, dans des postes et rôles qui ne sont pas du tout adaptés à leur profil ni à leurs qualités.

On peut penser à Ben Khalifa en pointe, à Ben Choug à droite, à Fedaâ trimballé à droite et à gauche, à Marzouki comme cité plus haut voire même à Ben Romdhane, qui a joué trois rôles différents, le cas également de Benguit et Chaâlali.

Ce choix, salué curieusement par certains techniciens, laisse pourtant beaucoup de supporters perplexes quant à son efficacité, avec une équipe qui perd ses automatismes, voire qui ne les fait pas évoluer afin de gagner en vitesse d’exécution, celle qui permet, faute d’une meilleure exploitation d’espaces de plus en plus réduits par la densité adverse devant sa propre cage avec le bloc bas utilisé.

D’ailleurs, on nous rabâche que le turnover est obligé par le rythme effréné imposé par le calendrier post-Covid et ce, pour prévenir les blessures. Pourtant, les Sang et Or ne jouent pas plus que le Bayern ou la Juve … et on n’a jamais vu des équipes complètement défigurées d’un match à l’autre dans la même compétition, en championnat. Les autres équipes de Ligue 1, n’ayant certainement pas « la richesse » de l’effectif de l’EST, ne souffrent pourtant pas de plus de blessures.

De plus, il y a lieu de relever que Ben Romdhane a été le joueur le plus utilisé de l’équipe et il n’arrête pas d’aligner des prestations plus qu’honorables, même sur le plan athlétique. Car pour un joueur de haut niveau, la compétition demeure le meilleur moyen pour garder la forme et monter en puissance, aussi bien physiquement que mentalement surtout.

Quand on voit un Ronaldo avec la Juve rouspéter à sa sortie dans un match de Coupe … après avoir marqué un doublé contre l’Inter à Milan, au même titre que Vidal par ailleurs, on peut mesurer l’illogisme d’un tel choix. Et nous l’avons bien vu avec le rendement terrible de l’équipe, lorsque les soi-disant titulaires revenaient d’un repos forcé par le turnover exagéré.

Rappelons que l’objectif premier d’un turnover est de pouvoir compter sur des joueurs compétitifs lors de moments clés de la saison. Quand un joueur ne fait qu’évoluer avec ce que certains appellent « l’équipe B » ou « l’équipe de Majdi » (quelle horreur comme concept!), pouvons-nous nous attendre à ce qu’il soit performant lors de la finale de la CAF CL, par exemple, pour relever un joueur suspendu ou blessé, tout en assurant une intégration fluide et réussie dans le projet de jeu de l’équipe le jour J?

Ce qui nous amène à évoquer une autre critique liée en partie au turnover et au choix de joueurs évoluant dans un registre qui n’est pas le leur, avec la prédominance systématique du 4-3-3 (4-1-4-1) classique avec deux ailiers et une pointe, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau.

Il est temps que Chaâbani essaie d’autres variantes, comme évoluer avec deux attaquants francs devant, soit en 4-3-1-2 ou même avec une pointe et un 9 et demi (Ben Khalifa, Ben Choug ou même Badri) en 4321, avec l’utilisation d’un seul joueur de couloir … gauche par la force des choses et ce, bien évidemment, selon les profils choisis, afin d’assurer de meilleurs équilibres aussi bien offensifs que défensifs.

Le 4-2-3-1 essayé à quelques rares occasions, appliqué bien plus en 4-2-1-3 vu le profil des joueurs, notamment ceux de couloir, ne représente aucunement, à notre avis, une variante tactique marquante du 4-3-3 classique, en faisant évoluer le trio du milieu en 2-1, faisant avancer le sommet un peu plus haut, créant un espace béant entre les lignes, surtout quand la ligne arrière n’avance pas assez pour réduire les écarts.

Changement, est-ce le bon moment?

Tout est question de convictions, car il n’est jamais inopportun de prendre la bonne décision. Sans être innocent, Chaâbani a commis autant d’erreurs que les autres composantes du club, à savoir les dirigeants dans leur gestion des mercati et les joueurs dans la stagnation, voire même régression, de leurs moyens.

De notre côté, il nous semble peu probable qu’un changement d’entraineur à ce stade de la saison et à la veille d’affronter la phase retour de Ligue 1 et celle des groupes de la CAF CL puisse apporter un quelconque bénéfice rapide recherché, d’autant plus que le facteur temps ne joue pas en faveur d’un éventuel nouveau coach. Il fut un temps où, sous la gestion du président Chiboub, les entraineurs partaient en décembre, ce qui équivalait à la fin du cycle des compétitions africaines et à la veille d’une trêve hivernale. Cela n’est plus d’actualité aujourd’hui avec la nouvelle planification.

À la fin de la saison, si les choses n’évoluent pas par contre, nous pensons que même Chaâbani ne voudra plus continuer sur le banc du club de Bab Souika. Entre temps, nous voulons bien qu’il y ait des critiques, nous espérons même que Chaâbani et son staff en prennent conscience, mais il y a une ligne à ne pas franchir, à savoir les contestations … folkloriques, qui ne font que miner la marche de l’équipe. Les médias font du bon boulot à cet effet, qui par mauvaise foi, qui par incompétence, alors c’est aux supporters de raison garder.

À bon entendeur, salut!

K.B.

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