Lorsqu’un match est gagné par ses préférés, c’est une satisfaction. Lorsque ce gain se rapporte à un derby, cela devient euphorique. Mais quand une victoire au derby se réalise suite à un match décisif, c’est l’extase. Dimanche, au terme d’un match qui restera longtemps dans la mémoire des Espérantistes, non pas pour le spectacle et la manière affichés par Darragi et consorts, mais surtout pour avoir forcé la décision, malgré le poids de l’enjeu et la volonté farouche des clubistes à gâcher la fête aux Sang et Or, les tifosi de l’Espérance Sportive de Tunis (EST) ne pouvaient qu’exalter.
Une entame de match féérique
C’est certainement le but le plus expéditif de l’histoire du championnat que celui inscrit par Darragi en ce 110è derby officiel depuis l’indépendance. En effet, l’on jouait l’entame de la 10è seconde, lorsque le capitaine Sang et Or a jailli sur la passe en retrait de Bouazzi pour crucifier S. Nefzi d’un intérieur pied droit, à ras de terre, à la limite des 13m. Une explosion de joie indescriptible s’en est suivi, dessinant les rêves les plus fous et rédigeant un scénario frisant la fiction. Les Espérantistes ne réalisaient pas ce qui venait de se concrétiser au point d’en perdre leur latin.
Toutefois, la suite du match dans son ensemble a été peu convaincante, au cours de laquelle, nos représentants ont étrangement laissé l’initiative à leurs vis-à-vis, comme cela s’est vérifié lors des derbies des quatre dernières saisons. Pourtant, après ce but éclair, tout plaidait en faveur des protégés de Maâloul, qui pouvaient prendre les clubistes à la gorge et porter l’estocade durant le premier « half ». Mais ni Bouazzi ni Msakni n’ont pu profiter des espaces et des mauvais placements des défenseurs Rouge et Blanc, souvent pris de revers par les intermittents coups de boutoir de Darragi. La prestation Sang et Or a curieusement sombré dans des approximations insipides au niveau de l’approche offensive, souvent empreinte de précipitations et de déchets techniques.
Et même si les clubistes, en deuxième mi-temps, ont pris encore plus le jeu à leur compte, il nous semble que ce n’est pas tant pour une quelconque supériorité des protégés de Benzarti, mais plutôt à cause d’un bizarre manque de confiance des nôtres. La prestation moyenne de Msakni, ajoutée à l’inefficacité de Traoré, ainsi que les rôles limités à la défense de nos arrières latéraux, ont clairement facilité la tâche des Rouge et Blanc, pour accaparer la possession de la balle sans, pour autant, créer un réel danger pour l’arrière garde Sang et Or, bien menée par un Ben Cherifia étonnant de confiance.
Le coup de pouce de Harrouche
Face à la domination stérile des clubistes, l’arbitre de la rencontre, Yassine Harrouche, ne pouvait « accepter » cette situation, qu’il doit avoir jugée « injuste » pour les Ben Yahia et consorts. Voyant que les Rouge et Blanc lorgnaient du côté des 16.5m avec des chutes et réclamations à tours de bras, leur souhait a été exaucé en se voyant accorder un pénalty imaginaire, suite à un plongeon de Dhaouadi profitant de la proximité de Derbali sur l’action. L’égalisation inespérée des clubistes sentait clairement le désir de Harrouche, dont il détient seul les raisons, de stopper l’insolence Sang et Or à aller chercher, une nouvelle fois, le 3è championnat consécutif. Les cartons jaunes distribués à satiété aux joueurs espérantistes et l’expulsion de Korbi, sur une action où il subit, d’abord, une faute, en disent long sur les louches intentions d’un arbitre ayant troqué son maillot pour celui Rouge et Blanc, fermant les yeux sur le jeu dur, les agressions et les remontrances des coéquipiers d’Alexis.
L’éclair de la justice
Les grands joueurs donnent toujours un signe de leurs prouesses, de leur grandeur. Youssef Msakni, disions-nous en méforme, aura le mérite d’avoir libéré les siens. Absent dans les duels, très peu présent dans la manœuvre offensive, sûrement amoindri suite à une semaine de travail tronquée par une blessure, le prodige Sang et Or matérialise la justice divine sur un éclair de génie, par une frappe limpide des 30m, laissant S. Nefzi et consorts médusés.
L’Espérance vient de remporter le match qu’il fallait face à son éternel rival, le Club Africain (CA), sans grandes pompes certes, mais avec le mérite des guerriers, avec le réalisme des grands. Il doit être écrit quelque part que les Sang et Or seraient au rendez-vous, et ils le furent.