La décision vient de tomber. Le porte-parole de la Fédération Tunisienne de Football (FTF) a annoncé que toutes les rencontres de Ligue 1 et de Coupe seront jouées à huis clos pour le reste de la saison. Tellement le public sportif est-il devenu incontrôlable et imprévisible que le chaos ne pouvait plus perdurer. Certainement, plusieurs intervenants dans le paysage footballistique y verront une sagesse bien réfléchie. Mais l’on est, quand même, en droit de se poser des questions importantes. Surtout une question cruciale : qui payera les pots cassés suite à cette décision ?
Quand on sait qu’une bonne partie des recettes des clubs provient de la billetterie, surtout pour les grands classiques du championnat, l’on se pose vraiment la question fondamnetale : comment ces clubs devront-ils pallier à cette insuffisance budgétaire ? Surtout que ces clubs ont, pour la plupart, une grosse masse salariale et un volume important de dépenses fixes auxquelles il faut subvenir. Un club comme l’Espérance Sportive de Tunis (EST) se trouve appelé, chaque fin de mois, à mobiliser la modique somme de six cents mille dinars. S’il se trouve privé de la recette du derby de la capitale, cela fait, au moins trois cents mille de perdus. Aussi, certains clubs se trouvent engagés dans des compétitions continentales qui génèrent des coûts de déplacement considérables. Alors, les « sages » de la FTF ont-ils tenu compte de ces considérations ?
Sur un autre plan, un club comme le Club Athlétique Bizertin (CAB) se trouve sanctionné de 4 matches à huis clos suite aux incidents de dimanche dernier. Si tout le championnat se jouait à huis clos, comment la Ligue Nationale de Football Professionnel (LNFP) et la FTF pourraient exécuter la sentence contre le club nordiste ? Ne serait-ce pas de l’impunité pure et simple ? Pareil cas pour l’Olympique de Béja (OB), qui doit avoir fait perdre le sommeil aux « sages » de l’instance suprême du football tunisien.
Et puis, revoyons les choses autrement : est-ce que la FTF a la certitude que si le huis clos est décrété, il ne sera pas enfreint, lui aussi ? On a vu le cas auparavant à Beni Khalled et à Ben Guerdène, alors à quoi rime-t-elle cette décision à la fin ? Sauf si l’instance compte s’appuyer sur le ministère de l’Intérieur pour renforcer le dispositif de sécurité autour des stades et recourir aux moyens fermes en cas de besoin. Mais si c’est le cas, pourquoi ne pas le faire avec la présence du public ? Cela sera de nature à rassurer les gens sur la capacité des forces de l’ordre de la nouvelle Tunisie à respecter et à faire respecter la loi.
En effet, nous croyons que l’objectif de la FTF est tout autre. Ce n’est pas la saison sportive qu’il fallait sauver. Ce sont, plutôt, leurs têtes. Ils ne veulent pas entendre la chanson mythique « DÉGAGE » avant la fin de la saison. Le temps pour eux de nettoyer derrière avant de lancer une Assemblée Générale Extraordinaire devenue, apparemment, inévitable.
Il est certain que la vie des gens et que la conservation des établissements publics sont des priorités nationales auxquelles il faut veiller. Mais cela ne sera pas, forcément, le cas avec un huis clos facile à décréter et difficile à mettre en place. Il aurait mieux valu creuser plus profond et faire fonctionner les méninges pour trouver une solution plus rationnelle et plus efficace qui ne lèse personne. Et nos « sages » pouvaient bien s’inspirer du modèle égyptien dont le championnat vient d’enregistrer la troisième journée après la reprise sans le moindre incident. D’ailleurs chez nous, sur sept rencontres, il n’y a eu qu’un seul incident durant la 15è journée (celui de Béja) et un seul sur ce qui a été joué de la 16è (celui de Bizerte).
Faut-il également rappeler que ce qui vient d’arriver n’était pas plus monstrueux que les évènements de Bizerte (CAB – CA) ou ceux du 08 Avril 2010 à El Menzah (EST-CSHL), mais cette même FTF n’a pas eu autant de sagesse pour décréter un huis clos généralisé. Autant vous dire la sagesse d’une décision prise à la hâte.
Il est vraiment temps que ce bureau fédéral qui n’a montré, depuis son élection, qu’un constat d’échec permanent, s’en aille et cède la place à une autre formation qui pourrait sauver le football tunisien de ce marécage et qui pourrait le réhabiliter de nouveau. On n’a plus le temps d’attendre encore vingt ans pour réaliser quelque chose.
À bon entendeur…
Iheb Ben Salem