Il fallait être trop fort pour le faire. Mais ils l’ont fait. Vendredi soir, l’Espérance Sportive de Tunis, portée par une nouvelle philosophie footballistique a mis fin, officiellement, au règne du géant continental Egyptien. Désormais, Al Ahly du Caire n’est plus un mythe. Le Club le plus titré du continent n’est plus intouchable. L’Espérance l’a, carrément, dénudé devant la planète entière. Les Sang et Or ont planté le dernier clou dans le cercueil du club du siècle. Les Ahloaui, pourtant maîtres de leur destin, n’étaient pas parvenus à passer le cap espérantiste malgré l’avantage du terrain, de l’expérience et de la présence de plus de 80 000 supporters tous dévoués à la cause. On évoquera les absences ou la malchance pour « justifier » cet échec. Mais la vérité, elle, était éclatante comme le beau soleil qui éclaire le Nil. L’Espérance était, à tous les niveaux, supérieure au vieux sphinx.
Supériorité tactique :
Manuel José, le vieux rusé coach Ahlaoui, n’a pas dérogé à sa règle. Quelque soit l’adversaire, il reprend toujours son fameux 3-5-2 comme on l’a décrit auparavant. Toujours les mêmes repères de jeu et toujours le même plan de match. Sauf que, cette fois ci, il a été contraint à basculer en 4-4-2 après, seulement 27 minutes de jeu. Le club Cairote et son entraineur n’ont pas prévu un scénario pareil. En effet, l’Espérance, telle qu’elle a été orchestrée par Nabil Maâloul, a littéralement fait exploser le système de José. Les Sang et Or ont sacrifié un joueur offensif de la trempe de Darragi pour bien densifier la zone de récupération et casser les triangles de base des diables rouges. Résultat des courses, 27 minutes d’égarement total de la bande de José qui ne passait pas. Ni sur les couloirs d’ailleurs, où Bouazzi et Msakni, placés un peu plus bas que d’habitude, ont donné du fil à retordre aux excentrés Ahlaouis du moment qu’ils étaient capables, à chaque accélération, de prendre l’arrière garde rouge de vitesse. Couloirs et axe bloqués, José ne savait plus à quel saint se vouer. Tactiquement, il a été battu à plate couture par Maâloul. La messe était déjà dite.
Supériorité athlétique :
Nabil Maâloul a choisi de porter les duels vers une consistance, plutôt physique sachant que les diables rouges étaient habiles sur la circulation du ballon. L’enjeu était d’épuiser certains repères tôt dans la bataille. Il a veillé à isoler la tête pensante d’Al Ahly (Mohamad Abou Trika) en lui réservant une garde rapprochée de deux personnes. Korbi au marquage et Mouelhi à la réduction d’espaces. L’intensité des débats imposée par l’Espérance a asphyxié plus d’un joueur à l’entre-jeu rouge. On n’a plus vu Houssam Achour ou Mohamed Chawki, les deux pourvoyeurs de réserve. Alors que Walid Souleyman, la quatrième roue motrice d’Al Ahly a bien été muselé par Coulibaly sur le flanc droit avec la participation active de Traoui. La rapidité d’exécution des protégés de Maâloul a souvent mis en difficulté tout le dispositif défensif d’Al Ahly. Et n’eurent été les quelques déchets techniques en phase de transition, l’Espérance aurait pu réaliser un plus grand nombre de buts tellement la vieille garde rouge était incapable de suivre le rythme imprégné par Msakni et Traoui avec les coups de butoir d’un Ndjeng, généreux à souhait, ou d’un Bouazzi électrique. Le match était facilement pris en main par les Sang et Or, largement supérieurs à leurs homologues Cairotes sur le plan athlétique.
Supériorité mentale :
Tout au long du match, les protégés de Maâloul sont restés concentrés sur leurs objectifs intermédiaires. Réduire les espaces et presser au milieu de terrain puis élargir le jeu sur les couloirs en contrattaque avant de rediriger les débats vers la profondeur. Les Ahlaouis sont parus fébriles et errant sur le terrain sans plan de jeu clair. Le comportement des Sang et Or leur a fait perdre la boussole. Même Manuel José l’a perdue lui-même en opérant le changement mortel pour son club. Car sortir Abou Trika, meilleur diable rouge sur le terrain, pour le remplacer par un attaquant revenait à priver ses trois pointes du pourvoyeur de ballons tout en sachant que les roues de secours en matière de passe décisive étaient mises hors service par le plan imposé par Nabil Maâloul. Là, le reste des joueurs Ahlaoui n’ont pas saisi l’orientation que José voulait donner au jeu et sont complètement sortis du match. Il fallait dire qu’ils n’y étaient plus, depuis le tout début.
La possession ne signifie pas la supériorité :
Durant les 90 minutes, les locaux ont possédé le ballon plus que l’Espérance. 70% à 30%. Mais, en termes d’efficacité, Al Ahly a retenu le ballon dans son camp pour plus de 60% de ses manœuvres. Trop peu pour inquiéter l’Espérance. Ce n’est pas un hasard si l’équipe Cairote s’est comportée ainsi. Le positionnement et le quadrillage du terrain conçus par Maâloul et appliqués, presque parfaitement, par les joueurs ont bloqué les assauts des locaux qui sont parus, réellement, dépourvus de toute solution alternative. C’était là qu’on a compris qu’Al Ahly version Manuel José a été, définitivement, détrôné et que le mythe tombera à jamais. C’en est fini pour le portugais et sa philosophie incapable de franchir le premier rideau imposé par Maâloul et sa bande. Manuel José, resté les bras croisés pendant plusieurs minutes, était à court d’idées et n’a pas pu trouver la parade pour freiner cette Espérance. La preuve suffisante pour statuer la fin du mythe d’Al Ahly. Ce n’est plus le grand club intouchable à domicile. Ce n’est plus le grand dominateur qui ne s’incline qu’accidentellement. L’Espérance de Maâloul a survolé Al Ahly de José avec mérite et brio et sans la moindre équivoque.
Alors, Al Ahly c’est devenu de l’histoire ancienne. Le champ est libre pour Maâloul et ses protégés de se proclamer empereurs du continent. Mais il faut encore du chemin pour y parvenir. Il faut travailler et, surtout, garder les pieds sur terre.