Concours de circonstances ou résultat prévisible ?
Il est certain que la non consécration de l’Espérance Sportive de Tunis (EST) lors de la finale de l’Orange CAF Champions League (CL) a laissé des séquelles, le moins qu’on puisse en dire substantielles au sein de la grande famille Sang & Or. Cela se ressent d’une façon criarde à travers la pression qui s’exerce sur le staff technique et surtout sur les joueurs, en les voyant évoluer lors du derby de dimanche 21 novembre dernier ou encore en match retard des 1/16è de finale de la coupe de Tunisie, le mercredi d’après. C’est que les espoirs qui ont grandi, au fur et à mesure que l’aventure africaine se poursuivait, ont donné lieu aux rêves les plus fous, devenus légitimes, voire accessibles. La désillusion qui s’en est suivi, notamment à Lubumbashi, a eu pour effet un terrible choc, difficile à encaisser il faut l’avouer, pour un ensemble à l’expérience peu consommée pour ce genre de compétition. Ce fut tout simplement un réveil cauchemardesque d’un long rêve si doux.
De retour en compétitions locales, et même si les derniers résultats n’ont aucunement été catastrophiques (un nul de 2-2 face au voisin clubiste, puis une petite victoire contre les Aghlabides), il n’en demeure pas moins que les prestations des protégés de Benzarti ont laissé entrevoir un mélange de fatigue et de démotivation, voire de démobilisation. Plutôt inhabituel pour un club du calibre de l’Espérance qui, malgré tout, continue à décourager des adversaires (lire médias) qui guettent le moindre faux-pas dans le cynique et seul but de descendre l’ogre Sang et Or. Toutefois, il était évidemment attendu que les parties prenantes du club n’arriveraient pas à se remettre aussi facilement de cette malheureuse déconvenue, après une campagne nourrie de grands espoirs.
Du côté du Parc B, il y a certes un besoin inéluctable d’analyser les tenants et les aboutissants qui devront ressortir le pour et le contre de cette expérience continentale. Parce qu’il est évident qu’en dépit des réussites, certaines situations significativement dangereuses ont pourtant eu lieu durant le long périple, atténuées à l’occasion par un concours de circonstances assez favorable à l’équipe et qui n’ont, malheureusement, pas été au rendez-vous au moment le plus important de la compétition, à savoir la finale menant au sacre.
En ce qui a trait aux supporters, la déception semble beaucoup plus sujette à un dialogue franc et direct, sans forcément aboutir à la recherche d’un bouc émissaire censé porter le chapeau et qui finirait par mettre un soi-disant terme à l’analyse réelle qui devrait se faire. Le constat, l’analyse et les conclusions à en tirer doivent être établis en temps opportun, car le dénouement de la CL africaine ne doit aucunement tout remettre en cause. Dans le cas contraire, cela nous renverrait inéluctablement en arrière et mettrait fatalement une croix sur le projet de monter une grande équipe. De ce point de vue, le public espérantiste devra faire preuve de lucidité afin d’éviter toute forme de pression, tendant à une prise de décision rocambolesque et dont les conséquences seraient néfastes, sachant que le club sera encore et sous peu le porte drapeau du football tunisien.
Les erreurs commises ne doivent pas occulter les efforts consentis
Lorsque l’Espérance avait remporté haut la main en mai 2009, la Arab Champions League (ACL), puis les titres de champion de Tunisie 2009 et 2010, le large public espérantiste avait porté, à bras levés, ses joueurs, son staff et son président, tant la liesse générale était indescriptible. Tous les supporters s’étaient accordés que les performances enchainées par les Korbi, Msakni, Darragi et consorts, auteurs d’une saison époustouflante, faisant du trio précité des internationaux à part entière, étaient excellentes, grâce entre autres à l’apport « caractériel » de Faouzi Benzarti (faut-il l’oublier aujourd’hui ?).
Cette part considérable du coach Sang & Or dans le succès des siens avait eu pour effet un plébiscite unanime le conduisant à la tête de l’équipe nationale, malgré les engagements, à l’époque ô combien importants, avec son club. Le coup d’arrêt subi par celui-ci suite à la vacation de Benzarti, avait laissé toute la famille espérantiste perplexe, nonobstant l’ingratitude de certaines parties envers le geste du plus grand club de Tunisie, suite à la désillusion de l’équipe nationale en terre angolaise, suite aux blessures de Darragi et Msakni en préparation avec la sélection.
Aujourd’hui, tout cela est mis aux oubliettes, pour laisser place aux doute et tergiversations : l’entraîneur, au lointain et récent passé fort respectable et à la limite glorieux, est-il devenu subitement d’une incompétence à même de faire parler des néophytes? Sans vouloir faire l’avocat du diable et loin de moi l’idée d’en faire l’unique, voire l’indispensable, il est du reste un devoir, sinon une dette envers l’homme, que de rafraîchir certaines mémoires courtes.
L’Espérance Sportive de Tunis est un club, une institution, où l’à-peu-près et l’approximation ne doivent pas avoir de place. Cependant, il serait aussi insensé de passer sous silence certaines erreurs monumentales relatives à la gestion humaine de l’effectif durant cette CL africaine, ainsi que de la préparation technico-tactique de certains matchs. Il viendra sûrement un temps pour faire le bilan, prendre les décisions justes et tracer le chemin idéal pour parvenir à des desseins, autrement meilleurs que ceux réalisés jusque là, qui, devrions-nous insister, font aussi notre fierté et alimentent la jalousie de ceux qui s’y reconnaitront.
Dès lors, quel serait l’intérêt immédiat de remettre en cause tout ce qui a été entrepris depuis dix-huit mois et qui a fait de notre équipe un double champion local et un finaliste de la CL africaine, un résultat pourtant peu plausible à l’entame de la campagne continentale? Est-ce parce que l’appétit vient en mangeant ou est-ce par la force d’un rêve, devenu une obsession, qui a fini par faire perdre la raison? La solution idoine serait-elle de remercier Benzarti, comme certains commencent à bourdonner? Ou bien doit-on le confirmer, en assurant la continuité et tout en s’attelant, dès à présent, à revoir nos diverses faiblesses, y remédier et préparer nos joueurs à de nouveaux défis en étant plus avertis?
Parce que nous sommes persuadés que les erreurs commises par tous et à différents degrés doivent normalement nous aider à mieux nous lotir pour aspirer aux plus grandes consécrations. D’ici là, les réponses à toutes nos questions nous mèneront certainement au résultat « voulu ».
A.Mami